Suivre la route

Publié le par almanito

Ca a débuté comme ça
On lui a dit de suivre la route

C'était au Carnaval, il se revoit, Arlequin joyeux tout à la fête, la musique, les rires, les volutes de barbes à papa, des cacahuètes dans les poches. Quand la main gantée d'un Scaramouche l'y a propulsé, le manège s'est mis à tourner de plus en plus vite. les visages puis des masques défilaient en accéléré, images infernales de fête grotesque, Capitan cyniques et Matamores hilares, satisfaits de leur farce. Beaucoup furent éjectés brutalement sur l'asphalte rugueuse et lorsqu'il ne resta plus que lui, on arrêta le manège.

Un mort gisait sur le sol.

Un polichinelle dramatique le désigna du doigt, on l'emmena et on lui dit de suivre la route.

Depuis il suit sur la route.

Il en serait ainsi désormais, une longue route droite et sombre au milieu du néant entre deux lignes de craies livides sous un ciel de souffre et d'encre violette.

Suivre la route.

Sans port, sans refuge, sans soif étanchée.

Des rêves hallucinants lui font croire qu'au bout, il trouvera la mer.

Il sent le sable souple sous ses pieds, hume l'air marin enivrant chargé de sel et d'iode salvatrice, il frissonne sous la caresse des algues venues irriguer d' un sang régénéré ses muscles et ses os épuisés. Puis il se tourne et escalade le départ d'un sentier ancien, tracé depuis des temps immémoriaux par le passage des bergers et des bêtes, entre les cistes et les arbousiers. L'ascension est rude, jonchée de pierres instables, de précipices et de roches équarries de soleil blanc.

Au détour d'un roc imposant, la rivière douce et fraîche apparaît en contrebas. Il écoute le rire d'un enfant sortant de l'eau, tout perlé de gouttes scintillantes. Il le voit tendre les bras vers sa mère. Il s'approche un peu, les appelle. Il est trop loin, ni l'enfant ni la femme ne peuvent l'entendre.

Hurlements de sirènes, gyrophares:  son pied a frôlé la ligne blanche.
Les images s'estompent....

Suivre la route. Toujours.

 
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
E
Beaucoup de méandres… dans la vie de la plupart.
Répondre
A
Sympa d'être venue jusque là...malgré les méandres;)
I
Ton commentaire à Quichottine me fait voir une version différente de celle à laquelle je pensais, mais les routes à parcourir sont nombreuses. Certaines sont belles, d'autres deviennent un calvaire qui envoient vers la mort ou à l'emprisonnement.
Répondre
A
Oui et j'ai vu que tu n'es pas la seule;)
I
Déroutant, non. Il y a tant de gens qui se retrouvent pris dans un tourbillon de la vie.<br /> Je pensais aux migrants ;)
A
Il fallait que j'éclaircisse un peu, je reconnais que c'est assez déroutant :)) Je pensais à un homme pris dans le tourbillon de la vie qui soudain est accusé d'assassinat et qu'on place sur une route cauchemardesque qui peut être la prison ou autre chose si on veut.
Q
Suivre la route, est-ce toujours le bon chemin ?<br /> Cette route que l'on trace pour nous est l'un des possibles, mais nous pouvons en choisir une autre.<br /> Même si c'est pour n'aboutir à rien.<br /> Ce ne sont que des questions qui m'ont traversé l'esprit tandis que je te lisais.<br /> Et puis, je me suis dit que j'étais hors sujet. :)<br /> Merci pour ta page, Almanito.<br /> J'ai aimé ce récit, même si la fin ne m'a pas permis de me sentir soulagée.
Répondre
A
Je suis d'accord avec toi sur le fond de ta réflexion, personne n'a le droit de nous désigner une route à prendre. Dans le récit en fait il est condamné à suivre cette route puisqu'on l'a désigné comme coupable... Je sais mes textes ne sont pas toujours clairs :))
C
Cauchemar infernal ! happée par l'ambiance angoissante. Béni soit le réveil !!!
Répondre
A
Ha je ne le voyais pas comme un cauchemar mais pourquoi pas :)
C
Un texte très fort, ton écriture est très belle, l’atmosphère onirique-cauchemardesque très prenante.
Répondre
C
Je crois que je n’aurai pas le temps cette semaine, peut-être une autre fois...
A
Merci, ça ne te dirait pas de participer, il y a l'embarras du choix parmi les incipits;)
D
ben où il est mon comm. ???
Répondre
D
Ah oui !!!<br /> <br /> Alors je réitère (voir sur Mil !)
A
Il ne serait pas sur Mil des fois? :))
E
Tragédies de nos jours...
Répondre