L'endroit bleu

Publié le par almanito

C'est un endroit bleu, battu par les vents, entre deux bras de rochers rouillés couchés dans la mer. On y accède  par une route en lacets taillée dans une colline dorée de genêts en crapahutant d'ornières en ornières. Aux rares passages de voitures, de petits veaux tendent leurs museaux tout roses par dessus de courtes haies de lentisques tandis que des chevaux savourent la vie sauvage dans les champs d'asphodèles.

De loin, on aperçoit déjà le golfe, qui disparaît dans un tournant pour pour mieux réapparaître, plus net, plus soyeux, au suivant.

Un petit sentier  entre les ronces de mûriers, prolongé d'une pinède fouettée par les brises et n'excédant pas une hauteur d'homme, s'ouvre sur la liberté. Une étendue d'eau infinie, seulement limitée par l'horizon, se décline en saphir troué de flaques turquoises ou en indigo profond scintillant d'étoiles métalliques pour se fondre, là-bas, au bout du monde, dans un ciel ouaté.

On enfonce ses pieds dans un sable blanc pailleté de mica, si fin qu'il colle à la peau. . Au large, l'eau se soulève comme une grosse bête inquiétante et sombre, gronde et arrive par gros wagons de rouleaux successifs écumants de blanche colère pour,  achevée leur course, déposer  sur le sable de tendres dentelles roses effilochées de poussière corallienne.

Plus haut, vers les terres, des monticules de bois flotté dorment, biscornus, torturés, squelettes de forêts d'outre mer aux légendes perdues, blanchis de sel et de soleil, cadeaux de rivages étrangers qui achèvent  leur voyage là,  sur un tapis de minuscules vélelles séchées d'un bleu translucide.
Un cordon d'herbe folles, crinières de hordes blondes défiant vents et barrières borde la montagne d'un anthracite dur en surplomb. Comme une réponse aux flancs obscurs, se détache, bien plus haut, l'ombre de sommets plus acérés égarés dans la brume et l'on  rêve alors d'antiques châteaux inaccessibles.
Soudain, au large, un lac limpide entrouvre les nuages tandis que le ciel se noircit au-dessus de la plage déserte ou presque: un jeune dieu de la mer au teint de pain d'épices sort de l'eau avec sa planche, fourbu mais heureux, ébrouant des étoiles  autour de lui.

 
 
L'endroit bleu
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J
Une petite halte dans tes bleus, merci pour ces belles lignes.
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E
J'ai lu.<br /> J'ai rêvé.<br /> J'ai admiré.<br /> Chut, je repars sur la pointe des pieds...<br /> Tu manques, Alma.
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M
Je prendrai les choses à l'envers : c'est "l'endroit" qui devrait te rendre hommage, pour avoir si magnifiquement parlé de lui.....<br /> <br /> Euh.... pardon, hein? Mais c'est vraiment magnifique.
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A
Hou hou! C'est plus là qu'ça s'passe, je t'envoie un mail ;)
Q
Publieras-tu encore ?<br /> Je l'espère de tout coeur... tes mots manquent ici, et tes images ailleurs.<br /> Passe un bon bout d'an, almanito.
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T
Félicitations pour ce très joli texte, quelle belle inspiration ! J'admire :-)
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A
Merci Théo, c'est très gentil.
G
Il n'est jamais trop tard pour découvrir un texte magnifique, n'est-ce pas ?
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E
Un beau plein d'évasion azuré
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D
Heu... oui, il me semble, hein ? ;-)
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C
Merci Alma, exactement ce dont j’avais besoin là! :)
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A
On a tous besoin de prendre l'air, salut Cardamone :)
E
merveilleux, tes mots bleus, et quelle photo !
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A
C'est un vieux texte que j'ai retapé en pensant à une bouffée d'air frais.
I
Que de Vélelles échouées cette année sur mes plages.... Ton texte est une bouffée d'air pur, on respire à pleins poumons et on espère retrouver très vite ces décors ;)
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A
Très vite, j'ai un doute, mais on y arrivera :)
C
J'apprécie tout le matériau tellurique et universel que tu distribues dans ce texte bleu, comme si l'on saupoudrait de sucre d'espérance, les fraises et je retiens les vélelles que je ne connaissais pas qui sont parfaitement assorties avec le texte et le pain d'épices qui vient de je ne sais où pour rappeler au monde que l'homme un jour a surgi ainsi qu'un dieu, pour piétiner les grains de mica et briser les branches sucrées des étoiles.
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A
Merci Caro, c'est un très beau commentaire et merci d'être revenue malgré les difficultés.
C
C'est très beau Alma et tu sais ce que j'en pense (sourire, clin d'oeil et tête de smiley la bouche en coin).
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Q
Que c'est joli !<br /> J'ai vu les étoiles qu'il semait en s'ébrouant... Merci !
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A
:)
M
Un endroit originel, un de ceux qui poussent à croire en la vie malgré tout. Profite bien de ce décor qui laisse rêveuse. Porte-toi bien, Almanito !
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A
Prends bien soin de toi Mony, merci :)
E
Magnifique évocation d'un dieu qui, grâce à ta poésie et ta belle écriture, s'est réellement incarné devant mes yeux ébahis.<br /> Je ne vous le rendrai pas. Na.
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A
:) Merci eMmA
A
Il fallait bien ce décor si poétiquement décrit pour voir émerger un dieu....
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A
Je savoure l'esprit!
A
C'est qu'on en aurait bien besoin en ce moment, mais il paraît que cette année il ne descendra pas pour Pâques: c'est nous qui montons.
L
Ce texte esr superbe !<br /> Et puis, le verbe et l'image, en osmose totale ... Merci, Alma
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A
Merci merci Loïc !
L
Ce texte esr superbe !<br /> Et puis, le verbe et l'image, en osmose totale ... Merci, Alma
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