Chapeau madame
Marie-Agnès B... de N... de la F.. était folle de chapeaux, qu'elle portait crânement cela va sans dire, en toutes circonstances. Elle en possédait plus qu'il n'y a de jours dans l'année, grâce à la générosité de son vieil époux qu'enchantait cet innocent engouement. Coquet bibi primesautier orné d'un papillon de flanelle bleu pour aller en promenade au lac du Bois de Boulogne, cloche pour visiter ses pauvres, fédora galloné de lin crème aux déjeuner entre amies, capeline excentrique à Longchamp, trilby gansé de cuir, melon piqué de plumes d'oiseaux, pork pie pour la villégiature sur sur les plages normandes, sage galurin à pudique voilette pour confesse et que sais-je encore...
Ces achats avaient lieu tous les mercredis après-midi en sortant du Grand Drafour, restaurant alors à la mode où elle se régalait de mets délicats en compagnie de quelques amies triées sur le volet de la bonne société parisienne.
Mimi, sa modiste la recevait avec tous les égards dus à son rang et à sa bourse, puis après essayages et papotages légers, madame de B... demandait à ce que le nouveau chapeau lui fut livré à son hôtel particulier.
Après quoi elle errait vaguement sous les arcades du Palais Royal, faisant mine de s'intéresser aux vitrines, rectifiant le bibi du jour dans les miroirs, puis, lorsqu'elle était assurée que nulle connaissance ne trainait dans les parages, elle s'engouffrait dans le petit palace discret qui faisait coin de rue.
Chambre 13 elle y retrouvait un Marcel ou un Gaspard, qu'importe, tous se donnaient l'adresse fameuse, un Jules de Ménilmuche, un costaud qui l'emportait dans un ciel que Charles-Edouard son vieux mari n'aurait même pas soupçonné dans ses fantasmes les plus osés.
Satisfaite, épanouie et rose, madame de B..de N.. de la F... rentrait au soir en taxi à Neuilly pour y retrouver un "Charles-Ed" ravi de sa bonne humeur qui s'extasiait benoitement devant la nouvelle acquisition de sa chère épouse.
Tout allait donc dans le meilleur des monde jusqu'au jour où le brave homme eut l'idée pour l'anniversaire de la tendre Marie-Agnès, de louer les services de Mimi la modiste tous les mercredis. Cadeau on ne peut plus généreux d'autant que monsieur B.. défrayait la dame de ses frais de déplacement et de la fermeture de son magasin ces jours-là en plus de fastueux salaires.
Madame de B... dut faire bonne figure et se résigner quant conséquences fâcheuses du cadeau inopiné. Son teint se gâta, elle déprima un peu, chercha des dérivatifs à la langueur qui l'oppressait...
Petit égarement qui ne dura pas, elle découvrit bientôt les félicités qu'engendrent la gestion d'une maisonnée, les joies des comptes bien tenus. Tous les jeudis après-midi en effet, madame B..de etc...recevait à la cave les marchandises de bouche, le vin et le charbon commandés, le tout livré par de musculeux malabars qui ne demandaient qu'à rendre service entre deux sacs de rattes du Touquet et les caisses de Veuve clicquot Ponsardin grâce à quoi madame de B... retrouva son teint frais.
Sujet 02/2018 - du 13 au 20/01 - Mil et une, atelier d'écriture en ligne
August Macke - clic Le mot à insérer facultativement est : TREIZE Les textes, avec titre et signature , sont à envoyer à notre adresse : les40voleurs(at)laposte.net Mode de fonctionnement du bl...
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